Pour une relance du don d’organes
Roland CASH
Chaque année, des centaines de personnes en attente d'un organe décèdent faute de donneur : 823 en 2023. Tous organes confondus, il y avait 21 866 patients inscrits sur la liste nationale d'attente pour une greffe d'après l'Agence de la Biomédecine, au 1er janvier 2024, dont 11 422 en liste d'attente active[1]. Mais en 2023, il n'y a eu que 5634 greffes réalisées (dont 3525 de rein, 1343 de foie, 691 de coeur et/ou poumon), dont 577 greffes avec donneur vivant.
Pour greffer, il faut prélever, et que ce soit un organe issu d'un donneur décédé ou d'un donneur vivant, cet acte repose sur la solidarité et la générosité humaine. Or, l'opposition est la 1ère cause de non-prélèvement sur donneurs décédés, loin devant les causes médicales. L'opposition est une décision prise à chaud par les proches du défunt, à qui l'on demande si ce dernier ne s'était pas opposé de son vivant au don d'organes (ce qui est différent du refus qui peut être exprimé par la personne de son vivant, et qui de fait est rare). Et cette cause est en augmentation : 33 % en 2022, 36 % en 2023, 37 % en 2024 avec des pics à plus de 50 % dans certaines agglomérations (en Île-de-France en particulier).
Cette augmentation est d'autant plus troublante que dans les sondages d'opinion, 80 % des Français se disent favorables au don de leurs organes après leur mort. Et moins de 1 % se sont inscrits au registre national des refus. De multiples causes sont évoquées pour rendre compte de ce taux élevé d'opposition (bien supérieur à celui de l'Espagne, qui est à 14 %[2]) : culturelles, socio-économiques, ethniques ou religieuses... Mais le résultat est que, par défaut de connaître la position du défunt ou par dépit face à une prise en charge hospitalière jugée défaillante (et dans ce cas, indépendamment de la position du défunt), les proches s'opposent au don. Si ce taux diminuait de moitié, 500 personnes supplémentaires pourraient être prélevées chaque année, ce qui représente un potentiel de 1600 greffes.
Un colloque s'est tenu sur ce thème au ministère de la Santé le 28 octobre 2024, à l'initiative d'associations de patients. Cette journée a conduit à un document comprenant
25 propositions[3]. En premier lieu, il revient à chacun d'agir en faisant connaître sa position à ses proches, de son vivant, sur le don d'organes. En deuxième lieu, des efforts supplémentaires doivent être faits dans les établissements de santé. Il faut en particulier renforcer le rôle et la mission des coordinations hospitalières de prélèvement, qui sont la clef de voûte du dispositif. Ce sont elles qui identifient les donneurs potentiels dans les différents services et qui interviennent au moment où se prend la décision, entre l'annonce du décès et le recueil de la position du défunt. La qualité de l'accueil des proches est décisive. En outre, tous les professionnels impliqués, notamment les médecins des unités de soins critiques, doivent être sensibilisés et formés à cette question. Le don d'organes doit devenir l'une des missions des réanimations. Et les établissements du secteur privé devraient être intégrés dans des réseaux de coordination des prélèvements d'organes.
De façon globale, il s'agit de développer une véritable culture du don dans les établissements, en informant et formant l'ensemble de la communauté hospitalière à cette démarche fondamentale pour des milliers de patients.
Notes :
[1] https://presse.agence-biomedecine.fr/chiffres-greffe-2023/.
[2] L'Espagne est prise en exemple car c'est le pays qui a les meilleurs taux de greffe par habitant dans l'UE, ayant mis beaucoup de moyens dans les établissements dans ce but.
[3] « Faire reculer l'opposition au don d'organes : Une urgence éthique » - Colloque du 28 octobre 2024.
La déclaration de Paris. Présentée conjointement par les représentants de : Al.é.lavie ; L'Association française
des coordinateurs hospitaliers ; Greffe+ ; Renaloo ; La société francophone de transplantation ; La Société Française de Médecine de Prélèvements d'Organes et de Tissus.