Les voeux aux acteurs de la santé, réforme ou déconstruction en marche ?
Bruno GALLET
Directeur des finances et du patrimoine du groupe hospitalier Paul Guiraud et de Fondation Vallée
Alors qu'il était en visite au Centre Hospitalier Sud Francilien le 6 janvier dernier, Emmanuel Macron a présenté ses voeux aux acteurs de la santé et une série de mesures destinées à sortir le secteur sanitaire dans son ensemble, et l'hôpital en particulier, des difficultés qu'il connaît aujourd'hui.
Plusieurs points interpellent dans les annonces faites par le Président de la République. Tout d'abord, elles préfigurent une nouvelle réforme à venir. Après la loi du 24 juillet 2019 relative à la transformation du système de santé, deux ordonnances sur les GHT et visant à favoriser les carrières médicales hospitaliers du 17 mars 2021 ainsi que la loi dite Rist du 26 avril 2021, les pouvoirs publics vont donc porter une nouvelle réforme, au risque d'un bégaiement normatif, source d'instabilités pour un monde de la santé déjà largement chahuté par l'abondance de changements des dernières années.
Le plan d'action du Président de la République sur le fond s'articule autour de quatre axes : gagner du temps médical, faire évoluer l'hôpital pour le rendre plus humain et moins administratif, décloisonner la ville et l'hôpital afin d'améliorer la permanence des soins et réorganiser l'offre territoriale.
Certains points de réforme interrogent sur le sens du pilotage du système de santé. Il a été annoncé la mise en place d'un « tandem administratif et médical, sur la base d'un projet » à la tête des hôpitaux. Après l'ouverture du recrutement en dehors du concours et du cadre de la fonction publique pour l'ensemble des postes de direction des hôpitaux effectuée par la loi du 24 juillet 2019, puis le dispositif de codécision, sorte de pouvoir partagé entre le directeur d'un hôpital et son président de la commission médicale d'établissement, instauré par l'ordonnance du 17 mars 2027 relative aux GHT, le chef de l'État poursuit son travail de remise en cause de la direction des hôpitaux, faisant porter à ces derniers la responsabilité d'un management qui ne serait pas assez humain. C'est oublier un peu vite que la plupart des difficultés rencontrées actuellement par nos hôpitaux sont surtout dues à des décisions de nos gouvernants dont les directeurs subissent les impacts négatifs, comme par exemple le numerus clausus en faculté de médecine. Le lancement par le ministre de la santé de la mission menée par Olivier CLARIS et Nadiège BAILLE le 10 février dernier, pour faire des propositions sur le tandem administratif et médical, permettra de mieux mesurer l'impact potentiel sur le management hospitalier.
L'autre annonce polémique est la fin de la tarification à l'activité, au profit d'un financement sur « objectifs de santé publique ». Ce faisant, Emmanuel Macron fait fi d'une réalité. Ce n'est pas la T2A qui a tué l'hôpital, mais la baisse continue des tarifs de GHS pendant sept années consécutives. La T2A avait l'avantage de constituer un financement au mérite et les pouvoirs publics devraient être vigilants à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Que ce soit en matière de gouvernance ou de financement, ce qui se dégage de ces annonces est la volonté plus ou moins assumée d'être à contre-courant des réformes de modernisation des hôpitaux des années 2000. L'hôpital renaitra-t-il de son retour à des règles de gestion des années 90 ? Rien n'est moins sûr.