Les hôpitaux sont-ils surendettés ?
Jean-Claude DELNATTE
Alors que la dette publique française atteint des niveaux inégalés, qu'en est-il de
la dette des hôpitaux publics ?
Il n'est pas inutile de rappeler, comme l'ont fait la Cour des comptes puis l'IGAS et l'IGF [1] , que les plans d'investissement nationaux «Hôpital 2007» et «Hôpital 2012» ont porté la croissance de la dette hospitalière, en incitant les établissements à recourir à l'emprunt et en assurant leur solvabilité grâce à des aides allouées en exploitation.
Au début des années 2010 les pouvoirs publics se sont émus de l'augmentation de l'endettement des hôpitaux, qu'ils avaient eux-mêmes fortement encouragé, et ont imposé aux établissements jugés surendettés sur la base de critères réglementaires l'obligation de demander l'autorisation du directeur général de l'ARS pour contracter de nouveaux emprunts. Malgré cette mesure, la dette financière des hôpitaux ayant atteint un niveau jugé insoutenable, l'Etat a annoncé en novembre 2019 qu'il en reprendrait une partie. Mais en définitive cette opération de reprise partielle s'est transformée en «restauration des capacités financières des établissements de santé» avant de s'inscrire dans un "dispositif de soutien", financé par l'assurance maladie et non par l'Etat, selon des modalités, aussi complexes qu'évolutives, dont Finances hospitalières a rendu compte.
Si l'évolution de la dette hospitalière a pu susciter des inquiétudes, un infléchissement sensible de la tendance peut maintenant être observé. Les données les plus récentes, fournies par la DREES et l'ATIH [2] , indiquent que l'encours de la dette des EPS s'est stabilisé à hauteur de 30 milliards d'euros en 2019; rapporté au total des produits, il avait atteint son niveau maximum en 2013, du fait de l' inclusion des dettes au titre des contrats de partenariat public-privé, jusque-là traitées comme des engagements hors bilan, et il baisse sensiblement depuis sept ans. Il convient cependant, pour une bonne appréciation, de prendre en compte la dette « non visible » portée par les groupements de coopération sanitaire (GCS), sans omettre de préciser que la dette hospitalière comprend aussi des emprunts liés aux activités médico-sociales, estimés à 10 % de l'encours. La part des établissements jugés surendettés selon les critères réglementaires est de 31 % en 2020, en baisse depuis deux ans. On observera, en outre, avec satisfaction que les emprunts «toxiques» à risque très élevé, coté 6F selon la charte Gissler, ne représentent plus que 1% du total de l'encours bancaire. Enfin, les hôpitaux ont bénéficié d'une période de taux d'intérêt historiquement très bas de sorte que le poids relatif de leurs charges financières est lui aussi décroissant.
Les indicateurs seraient donc plutôt favorables mais ce désendettement n'est pas sans conséquence sur l'effort d'investissement, qui connaît une baisse sensible depuis 2010, encore aggravée par la diminution tendancielle de la CAF, et de fortes tensions se manifestent sur la trésorerie. Si la relance de l'investissement, plus que nécessaire, devait passer, ne serait-ce que pour partie, par le recours à l'emprunt il faudra désormais composer avec la forte hausse des taux d'intérêt, susceptible de compromettre la réalisation de certains projets.
Notes :
[1] Inspection générale des finances N° 2019-M-080-04 et Inspection générale des affaires sociales N° 2019-121R, Rapport sur l'évaluation de la dette des établissements publics de santé et des modalités de sa reprise avril 2020 sur https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-121-rapport_dette_eps-d.pdf
[2] Voir DELNATTE J.C. "La situation financière des établissements publics de santé en 2020 et son évolution depuis 2005", Finances hospitalières, n° 172, octobre 2022.