Le taux d’utilisation des ressources (TUR) est le principal déterminant des résultats d’exploitation
Alain SOMMER
DG Medical Organisation Management (MOM)
L'approche matricielle[1] calcule les produits et les charges réelles directes et indirectes par patient pour reconstituer le résultat économique des unités de soins. Elle est utile dans un contexte de pertes d'exploitation avec des budgets contraints.
Les premières conclusions sont connues mais non documentées. Quand le TUR est bas, les marges par patient sont toutes basses. Quand le TUR est élevé, les marges par patient sont meilleures. Le TUR semble être le facteur clef de l'équilibre financier d'un EPS ou d'un ESPIC. Le TUR du personnel, est égal au « temps dédié au patient/temps dédié aux soins ». Les disparités de ce ratio entre EPS ou ESPIC sont significatives. Les charges indirectes sont réparties en fonction de l'activité de l'ensemble du service et non du type d'activité ou du tarif. Les consommables et l'ensemble des charges variables jouent un rôle mineur sauf pour certaines activités (Robot, cardiologie interventionnelle et chimiothérapie notamment). Il semble difficile d'échapper aux charges indirectes dans les services de santé. Les GHS sont conçus pour des optimums d'activité et pour des conditions d'exploitation à pleine capacité. Même si la T2A ne représente souvent que 50 % des recettes, le TUR est clef. À la fin, la performance des EPS impacte leur capacité à financer leurs investissements et leur exploitation.
Les bonnes performances de certaines activités ne permettent pas toujours de compenser les pertes des activités aux mauvaises performances. L'ensemble des ressources de tous les services doit être utilisé : les « vaches à lait » ne suffisent plus. Le choix des activités et le bon dimensionnement des investissements sont critiques.
La bonne organisation favorise la qualité de soins et maximise l'utilisation des ressources par l'établissement. C'est le véritable facteur de succès d'un établissement. Dans un contexte de demandes insatisfaites, elle augmente le volume d'activité et limite les temps d'attente pour accroître la productivité et améliore les résultats économiques.
Les différences de degré d'exposition au risque de sous-activité et au risque de sous-utilisation des ressources contribuent aux différences de performance entre les types d'établissement. Les EPS et la plupart des ESPIC multiplient les charges fixes exposées au risque de sous-utilisation. Ils rémunèrent des médecins et des activités annexes, notamment d'exploration, avec un risque élevé de sous-activité et/ou de sous-utilisation. Les cliniques privées à but lucratif sont moins exposées aux risques de sous-utilisation. Ils ne rémunèrent pas directement l'immense majorité de leurs médecins et se focalisent sur un type d'activité. Le degré d'exposition au risque de sous-utilisation joue un rôle majeur dans les services de santé.
Les résultats économiques des EPS et des ESPIC dépendent surtout de leur productivité et de leur organisation. La coexistence de listes d'attente et d'un déficit d'exploitation est un signal d'alerte pour travailler la productivité. Les plans d'austérité n'auront qu'un impact marginal voire contre-productif sur les résultats sans réorganisation du travail et des flux des patients.
Est-ce un appel au stakhanovisme ? Les énormes gains de productivité permis par l'IA, par le « lean management » et par les nouveaux traitements permettent l'amélioration de l'utilisation des ressources contrairement à l'austérité, au rabot, ou au refus de soins. Nous sommes à un tournant de la performance des services de santé. Ce qui est bienvenu car financer la santé par des emprunts ne va plus durer.
Notes :
[1] L'approche matricielle établit la continuité entre la comptabilité analytique et le micro-costing pour compléter chacune de ces méthodes. Alain SOMMER, Vincent TRÉMION, Olivier LEFEBVRE, Grégory VIDOR - Finances Hospitalières n° 194, octobre 2024.