La lettre des décideurs économiques et financiers des hôpitaux

ÉDITORIAL - ÉVÈNEMENT

L’obésité du code de la santé publique : un mal nécessaire?

 

Benoît APOLLIS

Maître de conférences en droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas

Avocat au Barreau de Paris

Les chiffres ont été rendus publics le 30 avril 2025 et ils ne paraissent pas flatteurs pour le secteur de la santé. Selon les « indicateurs de suivi de l'activité normative » publiés par le Secrétariat général du gouvernement sur le site Légifrance, le code de la santé publique est passé, entre 2004 et 2024, d'un peu plus de 6500 articles à près de 13600 ! Il s'agit d'un record national, qu'il semble acquis de conserver tant les codes qui le suivent immédiatement dans ce classement sont loin derrière (code de l'environnement et code de commerce, à un peu plus de 7000 articles chacun, soit à peu près le volume du code de la santé publique il y a 20 ans...). Le constat s'avère plus impressionnant encore en nombre de mots : de 748 000 en 2004 à près de 2 000 000 au 1er janvier 2025 (deuxième place pour le code de l'environnement, passant de 250 000 à 1 156 000 mots sur la même période).

Naturellement, les questions posées par ces indicateurs bruts consistent à savoir si cette inflation impressionnante se justifie, notamment au regard du volume des autres codes de droit français, si elle aboutit à un cadre juridique approprié à notre système de santé, si elle en améliore le fonctionnement, voire l'efficacité. Intuitivement, une réponse affirmative à l'ensemble de ces interrogations ne va évidemment pas de soi.

Un code aussi volumineux, dont chacun sait du reste qu'il est loin d'être le seul à trouver à s'appliquer aux acteurs du système de santé, n'emporte-t-il pas avec lui, ce faisant, les germes de son inapplication ? Dispositions redondantes, contradictoires, superflues, imprécises (malgré leur nombre) et/ou inappliquées (en pratique), nombre d'observateurs ou de praticiens du droit de la santé ont eu l'occasion d'en faire l'expérience, parfois amère pour les établissements, services, professionnels ou patients concernés.

D'où un certain nombre d'initiatives prises dernièrement, en forme de réponses partielles à cette complexité inhérente à l'inflation normative en santé. Tel est le cas, par exemple, du droit de dérogation reconnu aux directeurs généraux d'ARS (décret n° 2023-260 du 7 avril 2023), ou encore des différentes formes d'expérimentations (« article 51 », ou pas) qui se définissent juridiquement par autant d'exceptions temporaires au droit applicable tant qu'elles ne sont pas généralisées (V. Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ?, Doc. fr., coll. « Les études du Conseil d'État », 2019).

Aujourd'hui, la simplification est à l'ordre du jour, dans le domaine de la santé comme ailleurs. Ne faudrait-il pas qu'elle parvienne à améliorer l'action des administrations sanitaires et des autres acteurs du système de santé par une désinflation progressive des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont normalement applicables ? Cette évolution, sans doute salutaire, ne semble pas hors de portée, même si elle implique certainement, au-delà de la prise de conscience, une forme de révolution culturelle dans la rédaction des textes constituant le droit de la santé contemporain.

 
Au sommaireN°202
Juin 2025

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