La lettre des décideurs économiques et financiers des hôpitaux

ÉDITORIAL - ÉVÈNEMENT

Urgences : quand l’attente devient insupportable

 

Erwan OLLIVIER

Professeur à l'EHESP

Auteur de « Contrôle de gestion et pilotage stratégique des établissements de santé » Editions Infodium

Le temps de passage médian dans les services d'urgences a progressé de 45 min en 10 ans selon une étude nationale très détaillée de la DRESS[1]. « La moitié des patients passent plus de 3 heures en 2023, contre 2 heures 15 en 2013. Cette durée augmente quelle que soit la pathologie diagnostiquée à la sortie des urgences ».

Il est légitime que chacun d'entre nous ressente de l'inquiétude face à ce constat. Le temps de passage est un indicateur de qualité, certes imparfait, mais représentatif de l'efficacité et de la réactivité du service. Il est issu d'une multitude de paramètres : l'âge des patients, leurs pathologies, les soins réalisés, la sollicitation des plateaux techniques, la coordination des flux, la disponibilité des lits pour les patients hospitalisés...

L'interprétation des résultats est complexe, mais trois facteurs principaux ressortent : le vieillissement de la population française, les difficultés d'accès à la médecine de ville (21 % des passages vs 14 % en 2013) et le manque de lits d'aval. Les deux premiers motifs sont exogènes et donc subis par les urgences. En revanche, la question de la disponibilité des lits est endogène aux établissements. Cette problématique du manque de lits d'aval perdure depuis des décennies.

Pourtant, les flux aux urgences sont bien connus : les jours, la saisonnalité, les heures d'admissions, les destinations, les pathologies... restent constants. Chaque jour, les statistiques hospitalières révèlent des orientations similaires par spécialités. Puisque nous connaissons les besoins, pourquoi n'avons-nous pas encore résolu ce problème dans nos processus d'accueil ? L'une des réponses est surement dans une approche cloisonnée de nos organisations, une gestion par service plutôt qu'une approche systémique ? La solution ne réside pas uniquement dans le nombre de lits d'aval installés, c'est également un sujet d'occupation optimale de ces lits.

Deux indicateurs démontrent clairement les problèmes des lits indûment occupés : le nombre de sorties par jour de la semaine et le taux de sorties avant midi. L'analyse des case mix des établissements révèle couramment que les sorties sont souvent régulières en semaine, mais diminuent le week-end, alors que les flux d'urgences demeurent constants. Il en découle forcément des problématiques d'aval les week-ends. Dans une même logique, les sorties en après-midi entraînent une disponibilité tardive des lits, laissant les patients en attente aux urgences (ou en UHTCD).

L'allongement du temps de passage aux urgences est une préoccupation nationale légitime qui ne pourra pas être soignée par les remèdes infructueux habituels, tels que des primes et des effectifs supplémentaires. En interne, l'amélioration du temps de passage relève de l'alignement des planètes organisationnelles de tous les services des établissements.

Notes :

[1] DREES - Études et Résultats - mars 2025 - n° 1334 - Urgences : la moitié des patients y restent plus
de 3 heures en 2023, 45 minutes de plus qu'en 2013

Au sommaireN°201
Mai 2025

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