La lettre des décideurs économiques et financiers des hôpitaux

ÉDITORIAL - ÉVÈNEMENT

De chute en rechute : la situation financière préoccupante des hôpitaux publics

 

Paul HERNU

Conseiller maître honoraire de la Cour des comptes

Les dernières données disponibles de 2022 font ressortir un déficit financier record de 1339 M€ pour l'ensemble des hôpitaux publics, en très forte hausse par rapport à 2020 et 2021 où il se situait à 71 M€, puis 393 M€.

Par rapport à la période ayant précédé la crise sanitaire du COVID, où les déficits s'élevaient à 562 M€ en 2018 et 558 M€ en 2019, la réduction des déficits pendant la période la plus intense de cette crise a résulté des aides d'une exceptionnelle ampleur accordées aux hôpitaux publics.

Le total général de ces aides de 2020 à 2022 a atteint un montant de 26,9 Md€, dont 6,9 Md€ de financement du surcoût de traitement des patients, 5,9 Md€ au titre de la garantie de recettes à la suite de la perte d'activité et 14,1 Md€ de compensation des revalorisations salariales accordées par le Ségur de la santé.

À ces aides se sont ajoutées 6,5 Md€ pour restaurer les capacités financières des hôpitaux surendettés et 9 Md€ pour permettre aux hôpitaux de mener des projets de modernisation jusqu'en 2029.

En effet, la vétusté des bâtiments, rapportant leur valeur amortie à leur valeur brute, s'est accrue, nonobstant les plans d'investissement "Hôpital 2007" et "Hôpital 2012", en passant de 45,5 % en 2015 à 52,9 % en 2021, celle des équipements augmentant de 76 % en 2011 à 80 % en 2021. Dans le cadre du Ségur de la santé, la décision d'engagement d'un nouveau plan d'investissement a débouché sur la sélection d'un total de projets de 27,2 Md€ sur la période allant de 2021 à 2029.

Toutefois, les aides exceptionnelles accordées dans le cadre ou à la suite du Ségur de la santé n'ont pas permis de reconstituer la capacité d'autofinancement des hôpitaux publics. L'activité de ceux-ci demeure fortement handicapée par la réduction des capacités d'accueil due en partie à la fermeture de lits par manque de personnel, cette réduction pesant sur leurs recettes d'exploitation et, par conséquent, sur la couverture de leurs charges fixes, notamment de personnel et d'énergie, elles-mêmes en augmentation.

Ainsi, en 2022, 45 % des hôpitaux publics enregistraient une capacité d'autofinancement nette (après remboursement des emprunts) négative, contre 35 % en moyenne avant la crise du COVID de 2017 à 2019 et, pour l'ensemble des hôpitaux publics, la proportion d'entre eux dépassant le seuil de surendettement de 10 années, calculée en rapportant l'encours de dette d'emprunt à la capacité d'autofinancement brute, s'élevait à 49,5 % en 2022, contre 38,3 % en 2015.

Face à cette situation financière structurellement très dégradée des hôpitaux publics, à travers leurs capacités d'autofinancement, d'endettement et donc d'investissement, la Cour des comptes a notamment recommandé, dans un rapport publié en octobre 2023, de renforcer l'appui aux ARS dans l'expertise des projets d'investissement par l'analyse technique de l'ANAP et l'analyse financière des DRFIP.

Plus fondamentalement, la question pourrait être posée d'une adaptation du modèle économique et financier des hôpitaux publics, face à la nouvelle structure de leur activité faisant plus de place aux soins ambulatoires et aux soins à domicile, à la moindre attractivité pour le recrutement de leur personnel et à la concurrence des établissements privés d'hospitalisation.

La question du mode de financement est d'ores et déjà posée avec la remise en cause du financement par la T2A. Mais quelles que soient les parts de financement faisant partie de la tarification de leur activité, les coûts de fonctionnement et d'investissement des hôpitaux devront retrouver leur compatibilité avec l'évolution de l'enveloppe financière que le Gouvernement propose et que le Parlement adopte chaque année à travers le sous-ONDAM hospitalier.

Prévu en progression de + 2,6 % en 2025 dans la dernière loi en date de programmation des finances publiques de 2023 à 2027, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit de hausser ce taux à 3,1 % et même d'un ou deux dixièmes de points supplémentaires dans le cadre des discussions engagées sur ce PLFSS, contre 2 % en moyenne annuelle au cours des années 2010 à 2019, ce qui pourrait apporter un répit temporaire sans apporter de solution durable au déficit financier structurel des hôpitaux publics.

 
Au sommaireN°199
Mars 2025

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